mercredi 13 mai 2020

17'26" : comme un passé recomposé…

Pour vous raconter cette histoire, il me faut recomposer quelques morceaux d'un puzzle qui n'ont pas quitté ma mémoire, mais comme j'aime bien être précis j'ai depuis sept heures ce matin, tiré quelques tiroirs, scruté quelques archives et me suis installé à ma table vers 8h30. Prêt à écrire, tant pis pour les quelques besognes que j'entreprendrai  plus tard. U beau soleil de saints de glace inonde toute la pièce, la porte box ouverte laisse venir un petit vent frais et en fond sonore… la mer, toujours recommencée !


De gauche à droite :
Jean Morzadec, Martine (secrétaire), Jean-Louis Millet, Bernard Gilet, 
Monique Desbarbat, Daniel Bru, Claude Villers, Henri Gougaud, 
Isabelle Roi, Bernard Soulier. 
Ici c'est l'équipe de "Marche ou rêve, 1975-1977, 
merci à Carole Pither, équipière-reporter, 
d'avoir bien identifié ces personnages…





















La première petite lumière qui a clignoté dans ma tête est le souvenir ancré de l'écoute d'un très long morceau de musique à la radio, un soir tard, il y a très longtemps. Pour l'année, je peux m'en référer à la sortie du disque, avril 1979. Pour le moment, il est passé vingt-trois heures (c'est l'heure à laquelle je débauche). Je suis à la fenêtre, au troisième étage d'un immeuble à Rennes… L'animateur au micro prévient que ce que nous allons entendre est d'une durée exceptionnelle…

Je ne peux pas oublier que celui qui est au micro est Claude Villers et qu'avec sa réalisatrice Monique Desbarbat ils sont depuis 1972 sur les ondes d'Inter pour, tous les deux ans, renouveler leurs émissions… Cette année-là et, depuis la rentrée 1978, ils animent "Comme on fait sa nuit on se couche (22h-minuit)" pour laquelle ils vont "lancer leur équipe d'intrépides reporters dans la jungle des villes pour regarder vibrer la nuit". (in "Les années radio" Jean-François Remonté, Simone Depoux, L'arpenteur, 1989).

Ces années-là, les maisons de disque inondaient les émissions d'Inter des nouveautés discographiques. Alors, si le samedi 7 avril 79 paraît chez Barclay Pouvoirs de Bernard Lavilliers, on peut bien imaginer que, dès le lundi 9, il soit programmé en deuxième heure. Le morceau est effectivement très long ! 17'26"… Qui d'autre que Villers est suffisamment libre pour oser un si long tunnel musical ? Toute la face A du LP (33 tours) est occupée par six morceaux qui s'enchaînent sans blanc entre les morceaux *. Inoubliable.

Le lendemain je file chez le disquaire pour me remettre ça dans les oreilles et rentrer avec at home ! Ce n'est pas la première fois ni la dernière que la radio est mon meilleur prescripteur de musique. Voilà donc un souvenir qui me permet de saluer Villers et sa réalisatrice décédée en 2015… 

Un jour je vous raconterai comment Julien Delli-Fiori a interrompu la fabrication d'un joint… (en ciment entre les pierres de ma maison ! Vous êtes déçus hein, vous imaginiez peut-être que j'allais faire l'apologie de la fumette illicite, eh ben c'est raté !)

* À la façon du concept album des Beatles, Sergent Pepper (1967). Les six chansons-concept : La peur, Frères de la côte, Sœur de la zone, Frères humains synthétisés, Urubus, La peur… (Barclay) 

mardi 12 mai 2020

Studio de nuit…

J'écris en mode variation sur le même thème ;-) Mais la nuit mérite bien deux billets quand temporellement elle a déserté les studios radiophoniques. Le bleu nuit. Les bleus de la nuit, de l'âme… Le réconfort de l'écoute par une présence de grande proximité. Tout près de l'oreille. Et puis au sortir de la nuit doucement…


Dans le studio de "Route de nuit", en 1971 un boulanger
apporte les croissants (Ina)

















Bien sûr il y a eu la grande époque du Studio de nuit de Jean-Louis Foulquier (France inter, 1975-1977) et l'accueil des chanteuses, chanteurs, musiciens qui venaient finir leur nuit de cabaret ou de spectacle et faisaient le bœuf…  Puis Au cœur de la nuit de Frantz Priollet (1977-1982) et pour tenter l'expérience au micro Les bleus de la nuit (1981-1983) de Michel Bichebois par où seront passés Christophe Dechavanne, Philippe Dana et Philippe Garbit, aujourd'hui producteur des Nuits de France Culture.

Pour Les bleus : "France Inter propose aux jeunes apprentis animateurs, à ceux qui rêvent de "faire de la radio", de mettre à leur disposition une équipe technique et des moyens matériels professionnels pour réaliser une émission. Les auditeurs sont invités à donner leur avis sur ces bancs d'essais." O tempora, o mores. Qui prendrait ce risque aujourd'hui ? Confier deux heures d'antenne à un bleu ? Et pourtant l'idée (de Gilles Davidas) était très bonne et offrait à entendre une immense variétés de sujets et de façons de les traiter.

Et puis, avant que la radio publique n'invente l'entonnoir d'infos indigestes, France Inter a confié dès 1971 à Daniel Hamelin, animateur dynamique, la tranche de cinq à sept que le facétieux avait appelé En cinq sept (réalisation Jean-Michel Brosseau). Deux heures d'émission qui s'intéressaient aux travailleurs de la nuit ou du petit matin avec les journaux ou flashs aux heures justes. La radio jouait son rôle d'être avec son public à toute heure et 24/24. La volonté d'accompagner et de distraire était mise en scène avec une vraie animation quand aujourd'hui il faut supporter des chroniques pour rire ou pour chanter, bien calibrées dans l'entonnoir et qu'on devrait subir tels de dociles petits moutons…
(À suivre)

dimanche 10 mai 2020

Davidas, ce héros…

Bon c'est dimanche, je pose mon pinceau* pour me consacrer à la carrière féérique d'un metteur en ondes et/ou chargé de réalisation. Gilles Davidas qui, à la radio publique, a multiplié les expériences d'émissions. Inventives, surprenantes et quelquefois décalées. Ce héros de la radiophonie moderne a su faire de sa curiosité et de son goût pour la parole des autres, son affaire pour tisser avec moult productrices et producteurs la toile de presque un demi-siècle d'aventures sonores.


Gilles Davidas (assis, 3ème en partant de la gauche)
Période "15-115" France Inter, 1987
Brigitte Vincent (assise, 1ère en partant de la gauche)


















Bigre ! Avec une telle intro va falloir assurer pour raconter quelques passages de la vie artistique de ce réalisateur que les auditeurs s'il lui écrivaient ou écrivaient à la chaîne (France Inter ou France Culture) pouvaient facilement appeler Gilda Vidasse. Magie de l'oreille face à l'œil. Artistique oui car je crois que réalisatrices ou réalisateurs de radio sont des artistes, des funambules pour savoir tenir sur le fil (du rasoir) sans jamais tomber dans le néant. Un silence un peu trop long. Une chute incompréhensible à la radio. Un tunnel interminable.

Je crois avoir entendu son nom pour la première fois sur Inter Avec tambours et trompettes qu'il co-produisait et réalisait le samedi matin avec Jean-François Kahn. Ça chantait et ça m'allait droit aux oreilles. Quelques années plus tard ce sera Si par hasard au piano bar (83) avec Daniel Mermet. Même saison (mais là je n'avais pas retenu son nom) ce fut Saludas avec Jean-Pierre Chabrol toujours sur Inter, le midi ! L'accent de Chabrol, en mangeant, un vrai régal !


Mais un de mes plus beaux souvenirs avec Davidas restera Culture Club avec Maurice Achard (deux saisons 88/90, il réalise la première, la meilleure ;-), l'indicatif par Clapton lui-même. Et quel indicatif ! O ma doue beniged (en breton, sorry)… En fait et, c'est assez difficile à décrire, mais à bien connaître une productrice, un producteur et une réalisatrice et un réalisateur on sent la complicité qu'il peut y avoir entre eux, exactement comme dans un couple !




Et puis un jour, j'ai entendu son nom désannoncé sur France Culture ! Comme j'avais commencé à mettre un pied dans la Maison, nous nous sommes rencontrés. Nous avons beaucoup échangé sur le sujet radiophonique. Mais vraiment beaucoup. Et le 31 août 2014 à 17h je le rejoins après sa der des ders de réal 116, rue Albert Londres, d’Alain le Gouguec (France Inter). Nous arpentons les couloirs de la ronde et quelques lieux qui ont marqué sa carrière démarrée le 1er septembre 1974 quand l'ORTF vivait ses derniers mois.

Depuis nous nous téléphonons plusieurs fois par an. Gilles, le professionnel de la profession est impitoyable avec l'auditeur (averti) qui quelquefois pourrait prendre ses rêves pour réalité. Ce Monsieur, avec qui j'ai eu la joie de rencontrer Jean-Pierre Farkas, a maintenant sa page Wikipedia. C'est dire. Une légende est née !

(À suivre)

* J'avoue que j'ai par là-même interrompu la réécoute du "Bon plaisir" de Jacques Tardi, avril 1985, France Culture…

Avec Thomas Sertilanges pour L'Oreille en coin (1976)

vendredi 8 mai 2020

Tempo, easy very easy…

Commencez par écouter ça…



Faites vos images (désolé pour le hors-bord…), assemblez-les et laissez-vous porter…  C'est ce que je fais en 2008 en écoutant le dimanche soir à 23h Easy tempo sur France Musique (à 22h y'avait Michka Assayas Subjectif 21). Avant même que quelqu'un parle je suis transporté. C'est le long de la mer, un boulevard infini… Et le morceau pourrait couler lui aussi à l'infini. Il est juste au bon moment, au bon endroit. En place. Il donne immédiatement une identité forte à l'émission, un easy tempo qui puise sa référence avec un maître de la musique de film Henry Mancini (1924-1994).

À différents horaires, différents formats, différents jours, dans la grille d'hiver ou d'été, Laurent Valero et Thierry Jousse cisèlent un programme musical pensé, ordonnancé, présenté et contextualisé avec l'humilité des virtuoses. Ils ne montent jamais sur la table. À les écouter on découvre que sa propre culture musicale (pop, rock, folk, blues, chansons et musiques de films) est proche de 0 ! 

J'écarquille les oreilles, je prends des notes, j'achète les morceaux imparables. Je peux enfin briller en société (Lol). Le binôme fonctionne à merveille, chacun complétant l'autre et apportant une touche sensible qui peaufine le tableau. La dernière aura lieu début juillet 2017. L'alchimie aura fonctionné plus de dix ans (aujourd'hui, chacun officie séparément sur la chaîne. Jousse avec Ciné tempo le samedi à 13h, Valero avec Repassez-moi le standard le dimanche à 19h).

Sur le site de l'émission il y a encore beaucoup de réécoutes possibles… Zyva !
(À suivre)

jeudi 7 mai 2020

À vous trois, de tout cœur…

Mardi en fin de journée, je reçois un son d'un auditeur sollicité par mes soins, sans doute aussi fondu que moi de radio. Mercredi vers 15h, j'envoie ça dans mes oreilles. Je connais bien l'émission. C'est émouvant et ça n'a pas pris une ride. Sans emphase le meilleur de ce que la radio peut faire avec délicatesse et empathie pour celle que ce jour-là on fait témoigner. On a envie de rencontrer la personne qui témoigne. Une histoire simple et touchante. Banale et sensible. Tout en écoutant je peins. Pas la girafe. Mais une porte d'intérieur d'un joli bleu outre-mer. Une bonne façon d'être très concentré. La demi-heure passe vite. Pourvu qu'il y ait la désannonce. Il y a. Et là c'est le choc.


Jean-Louis Foulquier et Maryse Friboulet © Michel Rougé 

















J'entends vos noms, Maryse Friboulet, Chantal Le Montagner, Anne Weinfeld. Oups ! Je vous connais toutes les trois (mais je n'ai que la photo de Maryse ;-). Mais je vous connais en vrai, certaines pour avoir parlé longtemps avec vous, d'autres moins, mais toujours pour évoquer la radio, vos métiers de réalisatrices, d'assistante. Et puis pour évoquer bien sûr celle qui officie ce jour-là au micro.

Mais c'est de vous trois dont j'ai envie de parler. Sans vous pas de radio. Pas de radio élaborée, ciselée, remise chaque jour sur le métier. Ce binôme que vous formez (et quelquefois trinôme) avec l'animatrice ou l'animateur, on ne dira jamais assez que c'est la vrai réussite de la radio publique. Heureusement qu'il y a les désannonces sinon tout votre travail, votre ardeur à le faire, votre passion à le vivre passeraient à la trappe. Vous le savez, depuis tout petit, j'écoute les désannonces ça m'a aussi servi à bien comprendre la radio. Sa fabrique et ses façons.

Ce jour, d'octobre 2003 vers 14h30, c'était Christiane Mortès qui parlait au micro de sa passion du vin, de son histoire et de son métier de caviste à Carcassonne. Ce jour-là c'était un autre Portrait sensible que Kriss réalisait. Merci à vous trois d'avoir fait ça si bien et merci de m'avoir toujours accueilli avec gentillesse et attention. Je vous embrasse, c'est pas dimanche, c'est pas permis, mais tant pis !

La dernière désannonce du sept-cent soixante neuvième "Portraits sensibles", 2 juillet 2004, réalisatrice Maryse Friboulet,



Il n'y a pas de hasard, sur les 769 portraits que Kriss a réalisés j'ai eu la chance que ce jour-là à Carcassonne, ce soit vous trois qui soyez aux "manettes"… Un petit coucou à Michèle Bedos, réalisatrice, qui a eu aussi sa bonne part de "Portraits sensibles".

mercredi 6 mai 2020

Fada, fondu, barge, branque… non juste amoureux (de la radio)

Je vous dit tout. Ce matin aux aurores, je cherche un son pour illustrer mon billet du jour, mais en chemin, je trouve mieux. Mieux ? Ben disons que je trouve une vidéo que jusque là je n'avais jamais vue ! Et pourtant sur le sujet j'en connais un peu un rayon. Et voilà la joie du chercheur qui me prend. Revoir des visages connus, des voix inoubliables, des mimiques à faire craquer les manchots des Kerguelen (y a-t-il seulement des manchots aux Kerguelen ? T'aurais pu chercher Fañch !). Bref, je vous raconte ça aujourd'hui.



Quand comme moi on écrit depuis dix ans sur la radio, on s'est habitué à se passer d'images. Mais quand on trouve des images pour évoquer une émission, qui plus est si elle est culte, on fond. On pétille, on sourit et même un peu quelques larmes peuvent venir car c'est beaucoup d'émotions. Toutes ces voix je les connais. Je les ai écoutées des années durant et rien ne s'est érodé, c'est toujours un vrai plaisir de les entendre mais de les voir (même si ici c'est un peu joué) c'est bouleversant.

Car même si pour les besoins du reportage il faut être souriant et faire avec la caméra, les voix sont justes et les situations réelles. La complicité entre les acteurs de l'émission est totale et tout se joue aussi dans les regards. Alors combien y'en a-t-il eu de centaines de milliers de regards entre les partenaires en studio, l'animatrice, l'animateur avec la régie ? Combien de connivences, de complicités, d'interrogations, de doutes et de vrais fous-rire intérieurs qui éclataient micros fermés ? La vie était là, présente, celle de toutes ces personnalités, attachantes, sensibles, drôles et concentrées sur leur sujet.

Oui je suis fada, fondu, barge et branque. Ces 5'45 de bonheur, comme auraient pu les chanter Carlos et Sylvie Vartan, c'est aussi fort qu'ouvrir un album de photo, regarder un film en Super-8 ou danser la carmagnole sur le toit de la Maison de la radio. Je vais regarder encore une fois cette vidéo avant de me mettre à d'autres affaires. Heureusement la Télé de ce temps-là (on est en 1973) savait parler de la radio. Ces images sont précieuses. Et comme je l'écrivais il y a quelques jours les inventeurs sont en arrière plan, leurs vedettes prenant toute la lumière…

Pour que la surprise soit totale, je vous laisse cliquer…
(À Suivre)
 

Les personnes qui font L'oreille et qui apparaissent au fur et à mesure du reportage…

Studio 175 : Jacques Sallebert (dir. de la radio ORTF), Pierre Codou, Jean Garretto, Joseph Rémiot (à la console, un des quatres mousquetaires du son de L'Oreille les trois autres : Edouard Camprasse, Yann Paranthoën, Guy Senaux), Agnès Gribes (que Garretto a débauché d'Europe 1), Claude Dominique, Robert Arnaut, Jacques Trémolin, Yann Paranthoën, Jean Amadou, Patrick Burgel, Jacques Muller, Charlotte Latigrat (future dir. de Radio 7), Jean Priso-Moutongo (chef-opérateur du son), Emmanuel Den (cité, pas à l'écran), François Jouffa, Simon Monceau et Kriss égale à elle-même ! (Il me manquait trois noms, merci à Guy Senaux).

mardi 5 mai 2020

Comme un feedback…

Je vous ai laissé hier en vous écrivant que les rendez-vous - radiophoniques - sont l'un des principes de base de la radio. Fidéliser, au point quelquefois de rendre l'auditeur accroc ou gaga, c'est selon ! J'ai deux ou trois grands rendez-vous avec la radio. Un dans l'enfance, un ou deux comme jeune adulte. Je vous raconte aujourd'hui un de ceux-là.


À Patxoù…
Bernard Lenoir © L. Lorseau















Mai 1978. J'apprends par la radio (France Inter) que le 29 mai à 21h une nouvelle émission de musique va s'installer sur la grille. En pleine fin de saison ? Bigre ! Dans ma p'tite tête d'auditeur très assidu à cette chaîne, je ne peux pas louper ce RV-là ! Or je sais depuis quelques jours que le 29 mai à 21h je serai sur une route en France et, que dans ma 4L Safari verte il n'y a pas d'autoradio. Qu'à cela ne tienne. J'emporte mon transistor et On the road again.

Je roule. Il fait jour et le bitume défile. Je m'arrête à 20h55 près d'un passage à niveau. J'éteins le moteur, entends la désannonce de l'émission qui se termine. Écoute distraitement le flash de 3' et là j'entends une voix pas très familière : "Bonsoir, je voudrai remercier José Artur de m'avoir fait confiance toutes ces années pour la programmation musicale du Pop-Club et d'avoir proposé à la direction que j'anime cette nouvelle tranche…" S'en suit la guitare déchirée de Van Halen et son Eruption et la première annonce "Feedback, c'est Bernard Lenoir, bonsoir…"

C'est inoubliable. La preuve, je n'ai pas oublié. Après, ça a été plus difficile que les ondes pénètrent la 4L. Mais j'avais entendu le principal. Cette hommage pudique et reconnaissant au pape du Pop. Artur avait demandé à interrompre le Pop-Club (qu'il animait depuis 1965 et qui reprendra à la prochaine saison) et il voulait que Lenoir qui programmait la première heure du Pop à 22h se lance et prenne l'antenne. C'était pas gagné ! Lenoir farouche ne voulait rien entendre. Pas de micro !

Il aura fallu le tact et la volonté d'un Pierre Wiehn (directeur d'Inter, 1973-1981) pour que Lenoir finisse par accepter. Quant au titre en anglais, pour que ça passe, Wiehn l'a vendu comme Fils de Bach et… roule ma poule ! Lenoir a animé les débuts de soirée d'Inter jusqu'en 2011. Je l'ai rencontré à deux reprises au Pays Basque (voir sur Radio Fañch) et ça a été de très bons moments. Pour moi, la radio ça a toujours été intimité et complicité. Et un jour, et ça je ne l'aurais jamais imaginé, j'ai fini par rencontrer ceux qui m'ont fait tant rêver. Certains sont devenus des amis. 

La radio cette galaxie inatteignable, je l'ai atteinte avec les yeux émerveillés de l'enfance et, le rêve est devenu réalité.
(À suivre)

lundi 4 mai 2020

Quand j'étais môme…

"Quand j'étais môme / La musique coulait comme du miel / A Europe Un / Sur les copains…" Léo (Ferré) chantait ça au début des 60' et moi quand j'étais môme j'avais en rentrant de l'école ce repère presque immuable à 17h et ce jingle entêtant "SLC-Salut Les Copains…". C'était pas un rite, j'étais bcp trop jeune, mais sûrement une façon de compenser l'absence d'adultes à la maison et puis ça chantait, alors…



Alors ça rendait plus légère la journée qui n'avait que trop duré à l'école. Les chansons étaient entêtantes aussi puisque Lucien Morisse, directeur artistique de la station, avait repris la formule en vogue aux États-Unis, matraquer un disque et le passer jusqu'à huit fois par jour à l'antenne. J'avais pas trop envie de chanter du Sheila, Clo-Clo, Hardy ou Dutronc. Mais deux ou trois ans plus tard la scie de "J'entends siffler le train" ne m'a pas loupé. Kriss non plus qui l'évoquait !

Comme le raconte Michel Brillé à Sonia Devillers, cette émission était incontournable pour les jeunes. Elle faisait le tour des récrés. Et nous dissertions longtemps du Chouchou de la semaine. On n'était pas encore yéyé et on ne connaissait pas le sociologue Edgar Morin, l'inventeur de ce mot tellement dans l'air du temps. Mais on connaissait Daniel Filipacchi, l'animateur de nos fins d'après-midi. Pour un enfant il était rassurant et moins turbulent que les vedettes qu'il interviewait. L'époque était vraiment légère et l'info n'avait pas encore envahi les fins d'après-midi.

Europe 1 c'était vraiment comme un copain. Une amitié "Croix de bois, croix de fer, (si je mens je vais en enfer)". Pour moi qui n'avais personne à qui parler à cette heure-là, quelqu'un me parlait et je comprenais tout. Même si, à part la chanson chouchou ou les autres tubes du moment, j'oubliais très vite les heurs et malheurs des vedettes qui ne se prenaient pas la tête et n'avaient pas envie de nous la prendre.

La pub me rentrait par une oreille et me sortait par l'autre ! Déjà j'avais plus d'attention pour les chansons qui me racontaient une histoire que pour celles qui ânonnaient des yé yé yé. Je n'ai jamais acheté le journal éponyme et l'ai à peine feuilleté si un copain me le prêtait. Mon éducation radiophonique se formalisait car j'aurais pu dire sans hésiter le nom de l'animateur de l'émission, chanter son jingle et raconter plusieurs semaines après une anecdote entendue dans l'émission. Je n'en ai plus aucune aujourd'hui. Mais je suis rentré dans le jeu et le principe du rendez-vous, qui lui, ne m'a plus jamais quitté.

Pour les 60 ans de la chaîne en 2015, j'ai trouvé vraiment classe qu'Ivan Levaï venant s'asseoir au micro dise à la cantonade "Salut les copains" … Ça a été la chose la plus émouvante de cet anniversaire, bien triste et convenu par ailleurs !
(À suivre)




dimanche 3 mai 2020

Inventer la radio… autrement ! (2)

Très vite L'oreille en coin (France Inter, 1968, 1990) va devenir un laboratoire. On teste, on bidouille, on peaufine jusqu'à plus soif. Chaque produit diffusé à l'antenne a la patte de l'artisan. C'est du cousu main et on passe des nuits et des nuits à monter et à mixer s'il le faut. Garretto et Codou accompagnent chacun dans sa démarche de création et de finalisation de son reportage, documentaire ou fiction. Kriss disait "Nos papas". Ils sont exigeants, pointus, rigoureux mais ils laissent beaucoup de liberté à chacun, animatrice ou animateur. Ils créent une équipe, une famille et mieux "Une radio dans la radio".


Codou et Garretto (1980)

















Il faut d'abord rappeler que dès 1968, (jusqu'en 1971, L'Oreille s'appelait TSF suivi de l'année) ils font venir au micro de nombreuses femmes qui découvriront le métier et, pour certaines, y resteront très longtemps attachées, bien après la fin de l'Oreille. Les après-midi des samedi et dimanche sont enchainés par une voix, une présence. Et cette voix familière on la retrouve aussi à la création de reportages, documentaires, fictions. Elle n'est pas à côté, elle est avec l'équipe. Elle parle de la fabrique pour en être elle-même. Ce sera entres autres le cas de Katia David, Agnès Gribes et Kriss.

Dans l'hommage qui fût rendu à Jean Garretto au 104, fin octobre 2012, Pierre Wiehn, ancien directeur d'Inter (1973-1981) a dit qu'il ne voyait pas pourquoi il aurait changé quoi que ce soit aux fins de semaine puisque ça marchait si bien. D'un passage du bouleversement sociétal de 68 à une nouvelle société des 70' et 80', L'Oreille filait allègrement vers l'an 2000. Mais tout ça c'était avant le drame et ce n'est pas qu'une expression.

L'autonomie des deux producteurs et de L'Oreille ne manquent pas de faire des jaloux. Et quand Jean-Noël Jeanneney, nouveau Pdg de Radio France demande à Garretto de prendre la direction d'Inter, ce dernier décline fermement (Pierre Codou est décédé en 1980). Mais il finit par accepter, demande un délai pour prendre ses fonctions en janvier 1983. Et là, pour élaborer sa grille de programmes, fidèle à sa légende, il va mettre un sacré coup de pied dans la fourmilière.

En composant ses après-midi comme dans L'Oreille avec une formule qu'il appellera Les pleins et les déliés il déstabilisera les barons de l'antenne, Artur, Bouteiller, Chancel, Villers, en leur demandant de changer de case et de format. La grogne sera tenace et quand Bouteiller fût nommé directeur d'Inter en 1989, rien n'était pardonné. Bouteiller recevant Garretto pour envisager la suite de L'Oreille lui dit : "Tu ne crois quand même pas que je vais gérer la maison du lundi au vendredi et te laisser les clefs pour le week-end ?". Bouteiller accepta de garder L'Oreille en coin du dimanche matin. Garretto était défait, humilié, K.O. Et à la rentrée suivante prit ses cliques et ses claques et fila à Europe 1 pour produire le dimanche matin "Persona grata".

C'en était fini de L'Oreille en coin. De l'invention permanente, de la folie, de la joie. De la famille. La radio dans la radio, concept que Garretto ne voulait pas mettre en avant, avait fini par se retourner contre ses inventeurs et acteurs. Cela restera comme la grande invention radiophonique de la fin du XXème siècle. Une expérience unique. Un laboratoire prestigieux. Et pour l'auditeur que je suis ma plus belle école de l'écoute.
(À suivre)


P.Jacques, M.O.Monchicourt, Kriss, A.Gribes, E.Den, K. David













Pour en savoir plus, rendez-vous sur Radio Fañch, mettre dans la barre de recherche "L'Oreille en coin" .

"Bande à part", François Jouffa, Simon Monceau, 1970, une séquence de TSF 70 (l'ancêtre  de l'Oreille en coin)…

samedi 2 mai 2020

Inventer la radio… autrement ! (1)

À l'automne 67, l'université frémit à peine et les étudiants ne bouillent pas encore. L'ORTF (Office de Radio et Télévision Française) ne recule devant rien pour tenter l'impossible audiovisuel (voir vidéo ci-dessous) ! À la radio on connaît la capacité créative des deux producteurs Jean Garretto et Pierre Codou. Ils ont inventé, en 1965, les animations pour faire connaître au public la maison de la radio "Entrée libre à l'ORTF". Franc succès, interrompu par les services de la Préfecture de police qui revendique des conditions de sécurité insuffisantes pour un public nombreux et diffus…


L'Oreille, version papier





















Ce même automne 67, le père de la réforme de la radio publique, Roland Dhordain, patron de la radio à l'ORTF n'a pas résisté aux sirènes du Club Méditerranée. Pas pour y passer de longues vacances mais pour y être en charge des programmes d'animation culturelle. Guy Bégué qui a travaillé sous la responsabilité de Dhordain devient sous-directeur des programmes de France Inter. Croisant dans les couloirs de la maison ronde, Garretto et Codou, il leur demande de réfléchir aux programmes de fin de semaine de la chaîne.

Ni l'un, ni l'autre ne sont des gauchistes en devenir ou en retraite. Ils bossent leur sujet. Et quand tant d'autres auraient pu répondre en se mettant en avant avec une émission de deux ou trois heures, ils pensent mettre en avant les autres. Les talents qu'ils vont dénicher ou ceux qu'ils vont révéler. Ils proposent, sur deux jours, du samedi 14h au dimanche 19h, pas moins de 13 heures de programmes. Fédérés sous la bannière de L'Oreille en coin avec comme leit-motiv la curiosité, des formats adaptés à leur sujet. Le tout avec une volonté de tempo, de rythme et de progression tout au long de la fin de semaine qui ne doit rien au hasard. 

Mais surtout ils inventent une nouvelle écriture. Et les inventeurs à la radio se comptent sur les doigts des deux mains. Pas plus ! Ils poussent leur style et leur fabrique jusqu'à ce que les programmes du samedi ne soient pas interchangeables avec ceux du dimanche et inversement. Tout a commencé le 30 mars 1968 et fini le 1er septembre 1990. Je vous raconte la suite demain… 
(À suivre)

 


vendredi 1 mai 2020

Mai… si l'on chantait !

Mai m'évoque une chanson, des chansons… Mai m'évoque François-Régis Barbry et sa "mémoire en chantant". Mai, c'est aussi Nougaro et Ferré (le 10 mai 68 à la Mutualité). 36 et Léon Blum. La Régie Renault. Mai, chanter à tue-tête. Quelque chose bascule du côté du soleil et de la mémoire. Raconter l'histoire, des histoires comme Mermet l'a souvent fait dans "Là-bas si j'y suis". La chanson c'est d'abord à la radio. C'est fixer deux histoires celle que raconte la chanson, celle qu'on est en train de vivre…



Aujourd'hui voudrait qu'on soit léger si on pouvait l'être. Aujourd'hui, après le défilé nous aurions chanté Le temps des cerises, comme un rituel au cœur, dans un élan populaire et fraternel. Nous aurions chanté Gabin Au bord de l'eau et constitué pour quelques heures ou quelques jours (jusqu'à lundi) une Belle équipe. Nous aurions laissé passé les orages et le bourdon, la pluie pour un autre jour, le turbin et tant d'autres choses…

Si l'on chantait, avec ou sans Julien…
(À suivre)

 

jeudi 30 avril 2020

Faire de la radio : c'est simple (avant)…

Quelques mois après avoir mis sur les fonds baptismaux Inter, Culture et Musique (Novembre 1963, quelques jours avant l'inauguration de la Maison de la radio) Roland Dhordain, cherche un animateur jeune pour booster Inter dont l'État a suggéré qu'elle ne se laisse pas trop distancer par les périphériques Radio-Luxembourg et Europe n°1. Il l'évoque face à son médecin qui va en parler avec le baby-sitter de ses propres enfants. Gérard Klein se présente, est embauché et dégoupillera plusieurs fois la radio publique avec un naturel stupéfiant. Ce naturel lui vaudra quelques renvois fameux qui lui permettront de tester les micros d'Europe 1, d'RTL et de RMC, de revenir à Inter etc…



Dhordain a du flair et un sens inné pour la radio. Mais en 67, il prend le large et va s'occuper de culture au Club Méditerranée de Gilbert Trigano. 68, finissantt par rendre muet l'ORTF (Office de Radio Télévision Française) quand Yves Guéna est nommé fin juin 68 Ministre de l'Information, il rappelle Dhordain qu'il charge de remettre d'aplomb la radio. Dhordain accepte. Il maintient les Radio Vacances au Pays Basque, au Castelet, à Cannes en mobilisant plusieurs animateurs d'Inter qui ne prendront pas de vacances.
Il passe l'été à préparer sa grille de rentrée (5 octobre 68). En ces temps reculés, une animatrice, un animateur ne se trouvent pas sous le pas d'un cheval. On ne débauche pas de la TV, on ne fait pas appel à des vedettes ! Pour la case 18h10/19h, il n'a pas trop de choix. Il va faire appel à un déjà vieux briscard, José Artur, qui en plus de son Pop-Club animera Qu'il est doux de ne rien faire quand tout s'agite autour de vous, une anti-émission de France Inter, présentée par personne. Champion du monde du titre le plus long !

Quelques années auparavant il avait donné sa chance au pompier Daniel Hamelin, qui à force de le harceler pour faire de la radio, avait fini par lui proposer d'être l'assistant de l'anchorman des matinales d'Inter, l'ultra populaire, Georges Lourier. Il finira par remplacer ce ténor, par ouvrir Radio Mayenne la première locale de Radio France en 1980, en même temps que démarrent Melun FM et Fréquence nord.

Et pardonné son insolence à Jean-Louis Foulquier, standardiste à l'ORTF, quand ce dernier avait répondu au directeur (qui s'était présenté), qu'il était les Beatles (ou la Callas, je sais plus). Dhordain le convoque dans son bureau et beau joueur lui demande ce qu'il veut faire. Foulquier passionné de chanson voudrait en faire une émission. Il commencera par "Routes de nuit" puis ce seront de nombreuses émissions sur la chanson française !

Voilà ! C'était simple. Artisanal sans doute. Avec une bonne dose d'intuition. L'exigence de la qualité et du service public. Dhordain a fait des miracles et donné leur chance à beaucoup d'autres jeunes pousses. Plus personne après lui n'a dirigé la radio comme il avait su l'inventer avec bon sens, intuition et sens du service… O tempora, o mores !
(À suivre)

mercredi 29 avril 2020

Indicatif vs générique…

La porte s'ouvre et quelquefois c'est la fenêtre. Ça dépend. Ça dépend de quelque chose d'indescriptible et peut-être d'indicible. La radio est allumée en continu. Vous n'écoutez que d'une oreille un bavardage qui se targue être de l'info. Mais vous êtes prêts et si jamais vous ne l'êtes pas, cette musique, cette voix qui viennent de prendre l'antenne peut vous mettre dans un état second, vous inciter à sourire, vous imposer d'arrêter de faire ce que vous étiez en train de faire, vous suggérer de vous asseoir quelques secondes pour savourer cet indicatif-là. Cet indicatif c'est la promesse de passer un bon moment où vous êtes sûr que celle ou celui qui est au micro ne va s'adresser qu'à vous. En secret. Et ça, ça change tout à votre écoute de la radio !















Au débotté je dirai qu'en entendant Girl talk de Neal Hefti, j'ouvre la fenêtre. Comme pendant des années je l'ai fait à 9h05, guettant le Bonjour de Pierre Bouteiller dans son magazine que personne n'a jamais appelé Embouteillages (France Inter), mais le Magazine… 1'22" d'indicatif sans aucune parole. Le temps de s'installer. Le temps de prendre le temps d'écouter. Ça c'était son indicatif et dessus, ses premiers propos font son générique ! Right ? 

Alors ces ritournelles entêtantes fixent à jamais l'émission bien plus que le morceau lui-même… J'ai raconté récemment l'histoire de Hey nineteen de Steely Dan, là sans doute qu'à cette heure-là (18h10) j'ouvrais la porte, comme je l'avais ouverte des années plus tôt à Chancel et Georges Delerue pour l'indicatif de Radioscopie… Mais longtemps à 21h je ne me suis pas couché de bonne heure les riff de Van Halen me mettaient en Eruption et tout ouïe aux histoires pop de Bernard Lenoir. Celui de Mulatu Astatake, Yegelle Tezeta pour Plan B de Bonnaud sur le Mouv'. Et sur la même chaine le Move on up de Curtis Mayfield pour la matinale de Belatar…

Et puis j'ai ouvert un œil avec l'accordéon de Marc Perrone pour le Culture Matin de Jean Lebrun, fermé les yeux quelques instants pour Les nuits magnétiques de Veinstein sur Culture. Et que dire des trompettes (de la renommée) de Jim Wild Carson qui résonnent de loin en loin et interpellent nos Oreille(s) en coin. Forever. Et sur Minellos de Rubin Steiner j'entendrai à jamais la voix de Francesca Isidori avec son si bel accent italien pour ses Affinités électives

Mais malgré tout j'ai un grand faible pour celui d'Hugues le Bars d'En avant la zizique de Poulanges et Pezet. Ça chante, ça mixe, ça swing et je le réécoute bien plus souvent que le temps d'une chanson… Il en existe tant d'autres qui ont ouvert portes et fenêtres, qui ont procuré frissons et quelquefois quelques larmes, si jamais en écoutant tel indicatif il y avait lieu de pleurer de tristesse ou de joie. Mais pour retrouver sérénité et joie de vivre quoi de mieux que Lujon d'Henry Mancini pour Easy Tempo de Valero & Jousse sur France Musique !
(À suivre)

Sur ce blog je vais éviter les notes de bas de page, pour en savoir plus, vous devriez trouver plusieurs réponses sur Radio Fañch

 

mardi 28 avril 2020

Raconte Kriss… raconte

De quelques façons qu'on aborde "la Kriss", comme elle savait se nommer, on comprend vite que c'est une conteuse. Mais pas une conteuse de veillées ou de foire, non, une conteuse du quotidien. Avec cette qualité exceptionnelle d'être très vite avec vous, chez vous dans la maison, dans votre quotidien, vos préoccupations, vos joies et vos peines. Votre vie tout simplement. Kriss est là et c'est bien. À la radio publique (France Inter) de 1969 à 2009 elle a juste émerveillé nos quotidiens, sublimé la parole, câliné nos émotions.



Peu de femmes ou d'hommes de radio ont à ce point marqué leur temps et ce média si singulier qu'est la radio. Femme singulière elle était en phase absolue avec la fonction même de la radio : diffuser. Elle diffusait tellement d'ondes positives qu'elle était la radio. Quand elle était au micro c'était plus pareil. Elle était là et on lui faisait une place dans le moment présent. Une place pour l'écouter. Une place pour rire avec elle. Une place pour lui répondre. Une place pour chanter. Elle était là. Et il n'aurait pas fallu qu'elle manque au quotidien.

Et pourtant, elle fut plusieurs fois pendant ces quarante ans, en hebdo et même quelquefois elle ne fût plus là du tout. C'est le jeu - cruel - des programmes et des programmateurs… "Auditrices de ma vieauditeurs de mon cœur" comme elle aimait souvent le dire était beaucoup plus qu'un slogan. Sa marque de fabrique. Tout pour la radio. Jusqu'à continuer son travail de montage à la maison. Jusqu'à ce que sa vie soit toute habitée - nuit et jour - par la radio.

En 1969, avec Emmanuel Den, elle est venue "voir" si elle et lui pourraient faire quelque chose à la radio. Garretto et Codou, géniaux producteurs à France Inter, ont mis à leur disposition un studio, des techniciens et des moyens techniques. Après trois mois de bidouillages inventifs, ils ont intégré la famille de L'Oreille en coin (1968-1990). La radio a produit le meilleur et a façonné les oreilles et le cœur de milliers d'auditeurs orphelins depuis ce si triste 19 novembre 2009…
(À suivre)



Kriss, « La sagesse d'une femme de radio », Paris, L'Œil neuf, 2005

lundi 27 avril 2020

Max… Zappy Max

Zappy Max n'avait rien d'un James Bond mais comme le héros de cinéma Zappy Max a marqué durablement son temps, la radio du siècle dernier. Bateleur parmi les bateleurs et bien avant Bellemare, Zappy Max a personnifié jusqu'au milieu des années 60, la radio populaire telle que Radio Luxembourg…




En 1966, Jean Prouvost, industriel du Nord, devient Pdg de (Radio) Luxembourg, la rebaptise RTL, nomme Jean Farran, directeur de la chaîne. Ce dernier venu de Paris-Match, dirige la chaîne jusqu'en 1978 et bouscule le bel ordonnancement installé par les pionniers. Farran dégage les feuilletons (jusqu'à treize par jour, dont "la famille Duraton"), dégage Zappy Max, et installe entre autres, Ménie Grégoire, qui dans une antenne ouverte donnera la parole aux femmes (1)  !

Le seul intérêt de "Blow uppour Zappy, la formidable émission d'Arte, justifierait à lui seul ce billet. Zappy décède en juin 2019. Jean Lebrun, producteur à Radio France, l'avait au moins reçu à une ou deux reprises dans ses émissions (2). Dont une en direct au Festival Longueur d'Ondes à Brest… Le phénomène Max avait incité Pilote l'hebdomadaire de René Goscinny a publier un feuilleton dessiné du célèbre feuilleton radiophonique "Ça va bouillir" (1956), sponsorisé à l'époque par une grande marque de lessive, comme chacune des émissions de RTL l'étaient par des annonceurs.

Si Roland Barthes n'a pas fait de Zappy une Mythologie, Georges Perec lui ne manquera pas de s'en souvenir (3)…
(À suivre)

(1) Denis Maréchal, RTL, histoire d’une radio populaire, Nouveau Monde (éditions), 2010,
(2) Et aussi
(3) Georges Perec, Je me souviens, Hachette, 1978.

dimanche 26 avril 2020

Il était une fois…

Ce titre ! Ça commence bien non ? Alors voilà, j'ai décidé - unilatéralement - de continuer à écrire sur l'actualité de la radio sur le désormais célèbre - Radio Fañch - et, sans la tyrannie de l'actualité torride et malfaisante, d'écrire des histoires de radio sur Radio de poche, nouveau lieu d'histoires intimes, extraordinaires, sensibles autour de ce média singulier : la radio…



Il était une fois, donc. Août 86, rentrant de chez le réparateur de postes à modulation de fréquence, j'ai récupéré ma p'tite radio. C'est dans la poche. Un transistor gris (Sony). Il n'est pas tout à fait 13h. Je tourne la molette et là choc à l'ouverture j'entends une voix jamais entendue auparavant et je me dis "C'est Giono"… Jean de son prénom. 1895-1970. Écrivain français que je vénère depuis l'adolescence ! Mais d'où parle-t-il ? J'imagine que ce pourrait être France Culture ? J'attends la désannonce. C'est sûr ce n'est ni NRJ ni Nostalgie et encore moins RTL !

Mais Giono ? C'est semble t-il une série d'entretiens ? Quand cela a -t-il commencé ? Trop tard pour filer à la Maison de la Presse pour acheter Télérama ! The référence, voyons !  J'appelle Radio France à Paris. Le standard. Je pose mes questions. Les entretiens ont commencé depuis la semaine précédente (on doit être mardi ?). Comment faire pour réécouter les premiers épisodes ? Je ne manquerai pas les suivants ! (1) Et j'achèterai Télérama !

À partir de là je suis entré dans France Culture. Par petites touches. J'y ai mis la tête, le bras et tout le corps et j'ai fini par déserter Inter pour l'écouter toute la journée. Quitte quelque fois à n'y rien comprendre ! C'était le début d'un long compagnonnage… Et de formidables écoutes, au point de pousser loin ma passion de la radiophonie…
(À suivre)

"Un roi sans divertissement" 
Feuilleton en dix épisodes à retrouver sur le site de France-Culture
 

Mon idée est de publier ces histoires de poche 
chaque jour à 18hOn verra bien…

(1) Entretiens avec Jean Amrouche et Taos Amrouche, Gallimard, 1990,